« Il s'agit principalement de piles à combustible à hydrogène, de systèmes de batteries et de l'énergie éolienne »
06/08/2024
Madadh MacLaine, Zero Emission Ship Technology Association
La Zero Emission Ship Technology Association - ZESTAs en abrégé - est une association commerciale internationale qui promeut les technologies « zéro émission » pour la navigation commerciale. Notamment grâce à la nouvelle législation visant à décourager la navigation basée sur les combustibles fossiles, ZESTAs a le vent en poupe...
Madadh MacLaine est la fondatrice et la secrétaire générale de ZESTAs. « Nous représentons les entreprises qui conçoivent et construisent des technologies pour la propulsion de navires commerciaux sans émission. En ce qui concerne les sources d'énergie, il s'agit de molécules et d'électrons produits exclusivement par de l’énergie renouvelable. En termes de technologies, il s'agit principalement de piles à combustible à hydrogène (à basses températures), de systèmes de batteries et de l'énergie éolienne. »
« Lorsque je travaillais comme archéologue maritime, j'ai été confrontée de près à l'impact polluant du transport maritime sur nos océans. C'est ce qui m'a incitée, en collaboration avec un architecte naval, à concevoir un cargo 100 % sans émission, fonctionnant grâce à la combinaison du vent et de piles à combustible à hydrogène. Depuis lors, je m'efforce d'introduire ces technologies dans la navigation commerciale. »
La mission de ZESTAs
« Par la suite, lorsque j'ai commencé à assister à des réunions de l'Organisation maritime internationale (voir ci-dessous, ndlr), j'ai remarqué que les décideurs invités n'étaient guère au courant des dernières technologies éoliennes ou d'autres solutions « zéro émission » pour le transport maritime. Par conséquent, ces solutions n'étaient même pas envisagées. C'est ainsi qu'il est devenu évident que le monde avait besoin d’une structure telle que ZESTAs. »
« L'objectif fondamental de ZESTAs est de tout mettre en œuvre pour introduire les technologies zéro émission de nos membres dans la navigation commerciale. À cette fin, nous veillons notamment à ce que les bonnes informations parviennent aux bonnes personnes et nous faisons pression pour obtenir des réglementations favorables. Nous voulons que les technologies zéro émission soient économiquement viables, parce qu'elles contribuent à la lutte contre le changement climatique et parce qu’elles permettent aussi parfois de réaliser des économies. »
Coopération avec l'Organisation maritime internationale
L'Organisation maritime internationale (OMI), qui fait partie des Nations Unies, a pour mission de créer un cadre réglementaire pour le transport maritime international. Au départ, l'OMI se concentrait sur la sécurité en mer, mais depuis peu, elle se préoccupe de plus en plus de l'impact environnemental du transport maritime.
« En 2022, ZESTAs s’est vu octroyer un statut consultatif par l'OMI. Depuis lors, nous conseillons l'OMI sur la technologie des navires zéro émission, comme les piles à combustible à hydrogène, le stockage de l'hydrogène, les batteries de navires et les systèmes de propulsion basés sur l’énergie éolienne. Nos informations aident notamment l'OMI à formuler des réglementations et des directives. »
Arsenio Dominguez, secrétaire général de l'OMI :
« L'OMI établit un cadre réglementaire pour le transport maritime qui est universellement adopté et appliqué. »
« L'Organisation maritime internationale est une institution spécialisée des Nations Unies chargée d’assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers et de l'atmosphère par les navires. Pour ce faire, elle établit un cadre réglementaire pour le secteur des transports maritimes qui soit juste et efficace, universellement adopté et universellement appliqué. »
« Les États membres de l'OMI ont reconnu pour la première fois la nécessité de réduire les émissions de CO2 des navires en 1997 et ont adopté une résolution à cet effet. Depuis lors, des efforts intenses ont été déployés pour élaborer et mettre en œuvre des mesures obligatoires d'efficacité énergétique pour l'ensemble de la flotte mondiale. »
« ZESTAs s’est vu octroyer un statut consultatif auprès de l'OMI en 2023. Concrètement, cela signifie que ZESTAs peut assister aux réunions de l'OMI en tant qu'observateur. À ce titre, ZESTAs peut soumettre des documents à l'OMI, commenter les propositions discutées lors des réunions et fournir des informations susceptibles d'être utiles aux membres. »
Hydrogène versus batteries
« Une seule technologie ne suffira pas. Par exemple, il est important que les navires à hydrogène disposent également d'un puissant système de stockage d'énergie à bord. »
« Nous pensons que les navires alimentés par des batteries et les navires à hydrogène sont complémentaires. Plus le navire est grand et plus la distance à parcourir est importante, plus il est préférable d'opter pour l'hydrogène et d'ajouter ensuite la propulsion éolienne. Pour la navigation intérieure et les liaisons maritimes plus courtes, les conteneurs à hydrogène ou sur batteries constituent le meilleur choix. »
Un vent nouveau souffle
« L'énergie éolienne joue également un rôle important. Le fait est que plusieurs technologies modernes de propulsion basées sur le vent sont aujourd'hui disponibles. Si vous concevez un navire spécifiquement pour l'énergie éolienne, vous pouvez obtenir jusqu'à 90 % de l'énergie nécessaire à la propulsion à partir du vent. »
« Bien que le vent puisse également réduire la consommation de carburant si le système est installé a posteriori, l'efficacité est bien plus grande si le navire est conçu pour la propulsion éolienne dès le départ. Après tout, contrairement aux navires modernes, les voiliers ne ressemblent pas à des cubes ! »
« Le vent est gratuit, mais il arrive qu'il n'y ait pas de vent ou qu'il souffle dans la mauvaise direction. Un système de back-up est donc toujours nécessaire et, de toute façon, il faut aussi pouvoir manœuvrer aisément lorsque vous entrez dans les ports et en sortez. Quoi qu'il en soit, l'utilisation du vent permet de réduire les coûts énergétiques et l'espace nécessaire à bord pour le carburant. On finit donc par conserver plus d'espace de chargement. »
Une réglementation complexe
La réglementation en matière de transport maritime est très complexe, car les navires voyagent dans le monde entier et peuvent être immatriculés dans presque tous les pays possibles. De plus, la société propriétaire du navire peut être enregistrée dans un autre pays. Et dans de nombreux cas, il existe plusieurs « niveaux de propriété », combinés ou non à des formules de location et/ou d'affrètement. Cette complexité pose un problème de réglementation en matière d'entretien, de sécurité et de responsabilité.
« Nous devons nous pencher sur cette question, car il est difficile de faire appliquer les réglementations si l'on ne sait pas clairement qui est responsable du navire. C'est pour cette raison que l'OMI préfère prendre des décisions par consensus. Cela signifie que tous les membres doivent être d'accord sur une décision avant qu'elle ne soit transposée en règlement. »
ShipZERO
« Un autre défi auquel nous sommes confrontés est celui de la disponibilité des énergies renouvelables. Les navires zéro émission doivent pouvoir accéder aux énergies renouvelables dans l'ensemble de leur zone de navigation. »
« Notre programme ShipZERO est la réponse - ou du moins l'une des réponses – à ce problème. Il s'agit de mettre en place un écosystème totalement exempt d'émissions pour les navires, avec un avitaillement en hydrogène dans toute la région et un soutien aux propriétaires de navires pour la production de navires à hydrogène. Nous commencerons par la région de la mer du Nord. »
« Bien entendu, un tel écosystème doit être financé et nécessite la participation des affréteurs, ainsi qu'une réglementation appropriée. Nous voulons utiliser cet écosystème dans la région de la mer du Nord en tant que projet pilote pour voir comment tous les éléments interagissent et pour apprendre à standardiser autant que possible. Dans une phase ultérieure, nous souhaitons reproduire ce programme dans d'autres régions du monde. »
Optimisation du retour sur investissement
« Aujourd'hui, les navires zéro émission sont encore plus coûteux que les navires traditionnels utilisant des combustibles fossiles. Mais avec les économies d'échelle, cela pourrait changer rapidement. Et si les taxes sur le carbone et les règles de l'OMI découlant de la loi climatique révisée sont imposées au transport maritime, tout ira encore plus vite. »
« Outre l'accélération du retour sur investissement (ROI), je pense qu'il est également important d'informer correctement les consommateurs sur le transport maritime zéro émission et de les encourager à exiger que les marchandises qu'ils commandent soient transportées sans nuire à la planète. »
Quand le défi devient la solution
« ZESTAs se trouve à un tournant : nous recevons davantage de soutien extérieur, le nombre de nos membres augmente et nous commençons à attirer des financements extérieurs. »
« Mais le défi majeur se situe au niveau politique. La loi européenne sur le climat est en effet extrêmement ambitieuse. Elle exige des réductions des gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030 (par rapport à 1990) et même de 90 % d'ici à 2040. Cette réglementation annonce la fin des navires traditionnels utilisant des combustibles fossiles. C'est notamment pour cette raison que le transport maritime sans émission gagne du terrain. La politique joue fortement en notre faveur, et le programme ShipZERO arrive donc à point nommé. »
Projets d’avenir
« En plus du programme ShipZERO, nous travaillons - avec deux de nos membres - sur un projet de navire autonome propulsé à l'hydrogène liquide. L'objectif est d'établir un corridor de navigation zéro émission, c'est-à-dire avec l'infrastructure de soutage associée, pour les cargos autonomes entre Aberdeen (Écosse) et les îles Orcades et Shetland. »
« Nous prévoyons de mettre en place davantage de projets de partenariat avec des entreprises, parmi lesquelles Air Liquide, afin d'accélérer la transition vers une navigation sans émission. Air Liquide est en première ligne lorsqu'il s'agit d'introduire de nouvelles technologies et de déployer l'hydrogène à faible teneur en carbone pour le transport maritime. L'entreprise peut donc jouer un rôle actif dans le développement de nouveaux écosystèmes zéro émission pour le secteur des transports maritimes. »