« L'hydrogène est essentiel pour le secteur chimique »

29/04/2024

Hydrogen is very important

essenscia – À l’écoute des entreprises chimiques belges


essenscia est la fédération belge du secteur de l'industrie chimique et des sciences de la vie. L'organisation défend les intérêts des entreprises actives dans la chimie, les matières plastiques, la pharma et les biotechs. Elle regroupe plus de 720 entreprises qui représentent 95 % de l’ensemble du chiffre d'affaires du secteur. 

« Nous veillons à savoir ce qui se passe et à connaître les évolutions dans le secteur chimique, tout en servant d'intermédiaire avec le gouvernement (régional, fédéral et européen, ndlr) », déclare Saartje Swinnen, Advisor Energy & Climate chez essenscia. « D'une part, nous transmettons les informations importantes de nos membres au gouvernement afin qu'il puisse mettre en œuvre ses politiques de manière réaliste et faisable. D'autre part, nous communiquons à nos membres ce qui les attend en termes de législation, etc. »

Clusters chimiques avec des chaînes de valeur complètes

« Je suis de près les développements de la politique énergétique et climatique, tels que le Système d'Échange de Quotas d'Émission, ainsi que les développements de la RED en matière d'énergie renouvelable et le plan Fit for 55 pour la réduction des gaz à effet de serre. Nous étudions également la mise en œuvre de toutes ces initiatives dans la législation belge et flamande. En outre, nous avons des projets en cours pour soutenir nos membres dans le domaine de l'énergie et du climat. »

« Nos entreprises chimiques sont en grande partie situées dans des clusters, ce qui permet de nombreux échanges de flux résiduels et de produits et la mise en place de chaînes de valeur complètes. Pour ce faire, nous bénéficions d'une situation géographique favorable, avec des ports bien équipés et de vastes réseaux de canalisations. Nous disposons aussi d'un personnel hautement qualifié dans notre secteur et de nombreuses entreprises de production internationales sont dotées d’un département de recherche et développement. »

Mise en œuvre d’un Inflation Reduction Act au sein de l'UE ?

« Pour toutes ces raisons, l'industrie chimique fait partie des secteurs les plus importants en Belgique – en termes de valeur ajoutée, de balance commerciale et d'emplois –, mais nous avons à relever de nombreux défis. Car même si la chimie joue un rôle de précurseur essentiel dans le cadre de la transition énergétique, le fait est que les coûts énergétiques élevés et les prix du CO2 au sein de l'UE pèsent sur le secteur. »

« Dans certaines régions hors de l'UE, la situation en termes d’énergie est nettement plus favorable. Par exemple, en raison de conditions climatiques plus propices aux énergies renouvelables. Il y a donc un risque que l'industrie déplace en partie ses activités vers ces zones spécifiques. Pour éviter cela, il est important que le gouvernement ait une politique forte, comme les États-Unis l'ont fait par exemple avec l’Inflation Reduction Act (IRA). »

À la recherche de nouveaux éléments constitutifs et vecteurs énergétiques

« Étant donné que les éléments constitutifs de notre chimie actuelle sont largement basés sur les ressources fossiles, l'industrie devra se réinventer en grande partie. Ainsi, nous devrons créer des molécules de base d'une autre manière, par exemple en combinant le CO2 et l'hydrogène pour former de l'éthylène. »

« De nombreux projets innovants sont en cours en vue de diversifier les matières premières – des matériaux d'origine biologique à la réutilisation des déchets plastiques comme matière première circulaire –, mais en raison de l'ampleur des volumes de production, les matières premières fossiles continueront à jouer un rôle dans un avenir proche. »

« Nous devrons bien sûr commencer à utiliser d'autres vecteurs énergétiques. Une partie du secteur peut être électrifiée, mais ce n'est pas toujours facile. Cela nécessite en effet que des installations complètes - comme des unités de craquage - soient reconstruites. Et il s'agit toujours d'investissements importants. L'utilisation de l'hydrogène pour produire de la chaleur à haute température est plus facile à certains égards, car il n'est pas nécessaire de modifier l'ensemble du processus de production. »

« Bien sûr, il se pose aussi la question de savoir s'il y aura suffisamment d'énergie disponible. Le potentiel de la Belgique en tant que producteur d'énergie renouvelable est limité, et nous sommes également en train de démanteler progressivement notre parc nucléaire. Il est donc possible que nous perdions le cadre attractif qui a fait la grandeur de l'industrie chimique. Le fait est que nous ne nous en sortirons pas avec une seule technologie : le secteur chimique a besoin d'un approvisionnement compétitif et diversifié en énergie et en matières premières. »

CCS ET CCU

« En collaboration avec le gouvernement, nous avons réalisé une étude  sur la transition énergétique de l'industrie flamande. Dans tous les scénarios possibles visant à atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, les vecteurs fossiles restent nécessaires et il s'avère que le CCS (Carbon Capture & Storage) est crucial précisément pour cette raison. C'est pourquoi nous sommes très satisfaits d'un projet aussi important que Kairos@C. »

Kairos@C est un projet commun de BASF et Air Liquide dont l’objectif est de développer la plus grande chaîne de valeur au monde pour le CCS. Au cours des dix premières années d'exploitation, le projet permettra d'éviter jusqu'à 14 millions de tonnes d'émissions de CO2 dans le port d'Anvers.

« À plus long terme, nous voulons également travailler sur le CCU (Carbon Capture & Utilisation), qui nous permettra de réutiliser le CO2 capturé, en combinaison avec de l'hydrogène, comme matière première climatiquement neutre ou comme vecteur énergétique. Aujourd'hui, les projets de CCU ne sont pas encore évidents, en raison de leur coût. De plus, d’autres innovations sont encore nécessaires, comme de meilleurs catalyseurs, etc. Le producteur d'acier ArcelorMittal a toutefois déjà lancé Steelanol à Gand, un projet de CCU dans lequel le CO2 est converti en éthanol. »

Hydrogène : quoi et comment ?

« L'hydrogène revêt une grande importance pour la chimie, d'abord comme matière première et peut-être plus tard comme vecteur énergétique. Sur la base de l'étude susmentionnée, on s'attend à ce que d'ici 2050, la demande d'hydrogène des entreprises chimiques flamandes triple à peu près par rapport à aujourd'hui. Cela signifie que nous aurons besoin de quelque 810 000 tonnes d'hydrogène par an pour nos entreprises chimiques. »

« L'hydrogène renouvelable jouera certainement un rôle important, mais d'autres circuits de production d'hydrogène respectueux du climat devraient également avoir une chance. Pensez à la production d'hydrogène par le biais du méthane avec capture du CO2, ou via la pyrolyse où il n'y a même pas de formation de CO2. Et bien sûr, nous pouvons également produire de l'hydrogène grâce à l'énergie nucléaire, où de nouvelles innovations se développent en termes de réacteurs plus petits. »

Une législation (trop ?) stricte

« Il est pratiquement certain que nous ne disposons pas de suffisamment d'énergie verte pour répondre à notre demande constante d'hydrogène renouvelable. Cela signifie que nous devrons importer des vecteurs d'hydrogène en plus d'utiliser d'autres circuits de production respectueux du climat. Quoi qu'il en soit, l'hydrogène est un maillon important de la transition énergétique, mais ce n'est pas la seule solution : nous avons également besoin du CCS, ainsi que de l'électrification. »

« La législation sur les carburants renouvelables d'origine non biologique (RFNBO, Renewable Fuels of Non-Biological Origin) et ses objectifs sont très ambitieux. Et compte tenu des quantités importantes et continues d'hydrogène renouvelable dont nous aurons besoin dans les années à venir – sans oublier le profil de production fluctuant de l'électricité renouvelable –, cela constituera un défi économique et technique. »

« Pour développer le marché de l'hydrogène de manière plus efficace et plus rapide, le gouvernement pourrait avoir intérêt à agir différemment. Par exemple, nous pensons qu'il serait plus judicieux de soutenir toute utilisation de l'hydrogène, par exemple en remplaçant le gaz naturel par de l'hydrogène, même si cet hydrogène n'est pas encore renouvelable au départ. En outre, le gouvernement devrait aider l'industrie à rendre le processus de production d'hydrogène plus respectueux du climat. Et selon nous, cela ne doit pas se limiter à l'hydrogène renouvelable. »

Air Liquide 

« Air Liquide est un acteur clé dans ce contexte. L'expertise approfondie que l’entreprise a acquise dans le domaine de l'hydrogène est capitale pour notre industrie chimique. Ils connaissent les défis, mais ils savent aussi identifier les opportunités. Et, bien sûr, ils ont plusieurs grands projets en cours en lien avec l'hydrogène. »

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