Production d'hydrogène à grande échelle au Benelux

11/12/2023

Large scale renewable hydrogen production in the Benelux

Air Liquide prévoit la construction des électrolyseurs ELYgator et CurtHyl de 200 MW


David Cinque est Senior Business Owner for Electrolyzer Investments au sein du pôle Europe du Nord d'Air Liquide. En tant que directeur des investissements, il est responsable des projets d'électrolyseurs, qu’il développe en vue d’élaborer des analyses de rentabilisation solides. Il est donc la personne idéale pour discuter des défis et des opportunités inhérents à la production locale d'hydrogène renouvelable par électrolyse.

« Les électrolyseurs utilisent une technologie innovante et nécessitent donc un nouveau modèle industriel et un nouveau modèle économique », explique David. « Si nous voulons produire de l'hydrogène conforme aux exigences des RFNBO (Renewable Fuels of Non-Biological Origin), nous avons besoin de grandes quantités d'énergie renouvelable. Le défi consiste à trouver la meilleure façon de se procurer et de gérer cette énergie, tout en veillant à ce qu'elle reste économiquement viable. Un autre défi est que les réglementations évoluent constamment et que, par conséquent, nous devons souvent adapter le modèle économique et notre stratégie vis-à-vis des clients ».

« Un autre point important lorsque l'on utilise de l'hydrogène renouvelable dans un environnement industriel est qu’il faut faire face à la disponibilité intermittente de l’énergie renouvelable. Pour résoudre ce problème, le réseau de distribution d'hydrogène doit être capable d'absorber des quantités importantes et fluctuantes d'hydrogène. Facile à dire, mais difficile à mettre en pratique. Grâce à l'expérience et à l’expertise approfondies que nous avons acquises au cours des dernières décennies, c'est toutefois l'un des points sur lesquels nous pouvons nous démarquer de la concurrence. »

Forte augmentation de la demande d'hydrogène renouvelable

C'est un fait que la décarbonisation de l’industrie au sein de l’UE nécessitera de grandes quantités d'hydrogène renouvelable. Mais si nous voulons produire l'hydrogène localement, nous devons tenir compte de la disponibilité de l’énergie renouvelable. En effet, alors que notre société s'électrifie rapidement, toutes les énergies renouvelables ne pourront pas être utilisées pour produire de l'hydrogène. 

« Pour cette raison, la production locale pourrait ne pas suffire et nous aurons besoin d'un mélange d'hydrogène local et importé. C'est pourquoi Air Liquide a développé des technologies (voir ci-dessous, - NDLR) permettant également d’importer de grandes quantités d'hydrogène renouvelable. »

ELYgator & CurtHyl

« D'ici 2030, Air Liquide a pour objectif de porter sa capacité totale d'électrolyse à 3 GW. Nous développons actuellement le premier projet d'électrolyseur de 200 MW aux Pays-Bas, dénommé ‘ELYgator’. Ensuite, nous voulons construire ‘CurtHYL’, un deuxième électrolyseur de 200 MW. À cette fin, deux sites appropriés ont été identifiés aux Pays-Bas : Terneuzen et le parc de conversion de la Maasvlakte 2 à Rotterdam. Les deux projets bénéficient du soutien du ministère néerlandais des Affaires économiques et du Climat dans le cadre du programme Important Project of Common European Interest (IPCEI) Hy2Use, tandis qu'ELYgator est également cofinancé par l'Union européenne. Les électrolyseurs ELYgator et CurtHyl devraient produire ensemble environ 40 000 tonnes d'hydrogène renouvelable par an. »

Production locale ou importation

En principe, il n'y a pas de différence entre les molécules d'hydrogène renouvelable importées et celles produites localement. Toutefois, l'hydrogène produit ailleurs sera converti en ammoniac – ou en un autre vecteur – dans le pays d'origine, puis « craqué » à nouveau en hydrogène dans le pays de destination. Cela s'explique par le fait qu'il existe déjà une infrastructure d'approvisionnement mondiale pour l'ammoniac et qu'il s'agit d'une méthode efficace pour transporter l'hydrogène sur de longues distances.

Toutefois, ces étapes de production supplémentaires consomment inévitablement de l'énergie. Et le transport maritime entraîne naturellement des émissions de carbone. Par ailleurs, dans certaines régions du monde, le facteur de charge des moyens de production durables peut être plus élevé qu'au Benelux.

« Dans l'ensemble, il est trop tôt pour affirmer que l'hydrogène renouvelable produit localement est plus durable que l'hydrogène importé », ajoute David. « Quoi qu'il en soit, nous nous attendons à ce que l'hydrogène importé soit, d'une manière ou d'une autre, conforme aux exigences des RFNBO. »

Qu'en est-il des perspectives économiques ?

D'un point de vue économique, il est important de considérer les différences de prix des énergies renouvelables entre la plupart des pays européens (à l'exception de la Scandinavie et de certains pays d'Europe du Sud) et d'autres parties du monde. Ces différences de prix peuvent atteindre 50 €/MWh, ce qui est considérable.

« L'énergie renouvelable est en effet assez chère au Benelux. Les éoliennes offshore nécessitent des investissements importants et le soleil ne brille pas indéfiniment dans cette partie du monde. D'autre part, le transport de l'hydrogène depuis l'extérieur de l'UE augmente les coûts. En outre, la conversion de l'hydrogène en ammoniac, suivie du processus de craquage, nécessite des mesures de sécurité supplémentaires, entraînant une nouvelle hausse des coûts. En définitive, la production d'hydrogène renouvelable avec nos électrolyseurs locaux ELYgator et CurtHyl présente des avantages économiques. »

Le cracker remplit deux fonctions

Air Liquide construit actuellement la première usine pilote de craquage de l'ammoniac (NH3) à l'échelle industrielle dans le port d'Anvers. L'usine combine un nouveau procédé efficace aux technologies propriétaires d'Air Liquide pour convertir de grandes quantités d'ammoniac en hydrogène. 

« L’installation de craquage fera également office d’unité de production complémentaire, en tandem avec nos électrolyseurs. En effet, pour se conformer aux exigences des RFNBO, les électrolyseurs ne peuvent utiliser que de l'énergie renouvelable, mais cette dernière est intermittente et n'est pas toujours disponible. D'autre part, les clients industriels veulent un approvisionnement constant en hydrogène. C'est pourquoi nous craquons de plus grands volumes d'ammoniac lorsque la quantité d’énergie renouvelable disponible est plus faible. Nous pouvons ainsi garantir un approvisionnement constant pour nos clients industriels, ainsi que pour les applications de mobilité (camions) et de navigation intérieure. »

Technologies d'électrolyseur

Air Liquide utilisera les technologies PEM (Proton Exchange Membrane) et AEL (Alkaline Electrolysis) dans le cadre du projet ELYgator.

« Grâce à notre collaboration avec Siemens Energy, nous pouvons produire ensemble des piles PEM de grande capacité, ce qui nous permet d'offrir une chaîne d'approvisionnement en hydrogène fiable à nos clients. La technologie AEL, que nous utilisons également, est plus conventionnelle, mais elle est tout aussi difficile à mettre en œuvre en raison de sa grande taille. Quoi qu'il en soit, notre collaboration avec Siemens Energy ouvre la voie à la reproduction et à l'extension des projets d'électrolyse. »

« Tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de solution unique pour lutter contre le changement climatique, nous sommes fiers d'être à l'avant-garde des développements récents en matière d'hydrogène à faible teneur en carbone et renouvelable », conclut David. « Aujourd'hui, nous sommes considérés comme un leader dans le domaine de l'hydrogène, car nous maîtrisons l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène depuis plus de 60 ans. Bien entendu, nous restons déterminés à décarboner l'industrie par tous les moyens possibles, y compris des projets d'électrolyseurs reproductibles, des installations de craquage de l’ammoniac, etc. »

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